mercredi 21 mai 2014

Collecte de formulations / énoncés intéressants

Il y a certaines formulations qu'on trouve intéressantes et qu'on voudrait garder sous la main, soit pour se les rappeler (ou ne pas les oublier) à cause de leur pertinence, soit pour s'en inspirer à certaines occasions. Même si elles semblent pertinentes pour des raisons personnelles, on s'imagine, à tort ou à raison, que d'autres pourraient les trouver également pertinentes.



David Graeber : "Aristokraten leisten nichts Besonderes. Sie verbringen ihre Zeit meistens damit, in einem Zustand mutmasslicher Überlegenheit zu existieren."

Cioran : De l’inconvénient d’être né

  • Ce n’est pas la peine de se tuer, puisqu’on se tue toujours trop tard.
  •  Que faites-vous du matin au soir ? – Je me subis.
  • La vieillesse est l’autocritique de la nature.
  • Ayant toujours vécu avec la crainte d’être surpris par le pire, j’ai, en toute circonstance, essayé de prendre les devants, en me jetant dans le malheur bien avant qu’il ne survient.
  • La connaissance de soi, la plus amère de toutes, est aussi celle qu’on cultive le moins : à quoi bon se surprendre du matin au soir en flagrant délit d’illusion, remonter sans pitié à la racine de chaque acte, et perdre cause après cause devant son propre tribunal.
  • Quand il m’arrive d’être occupé, je ne pense pas un instant au sens de quoi que ce soit, et encore moins, il va sans dire, de ce que je suis en train de faire. Preuve que le secret de tout réside dans l’acte et non dans l’abstention, cause funeste de la conscience.
  • L’unique confession sincère est celle que nous faisons indirectement - en parlant des autres.
  • Nous n’adoptons pas une croyance parce qu’elle est vraie (elles le sont toutes), mais parce qu’une force obscure nous y pousse. Que cette force vienne à nous quitter, et c’est la prostration et le krach, le tête-à-tête avec ce qui reste de nous-même.
  •  Si c’est le propre du sage de ne rien faire d’inutile, personne ne me surpassera en sagesse : je ne m’abaisse pas même aux choses utiles.
  • Si on avait pu naître avant l’homme.
  • Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant : tout.
  •  « Ne juge personne avant de te mettre à sa place. » Ce vieux proverbe rend tout jugement impossible, car nous ne jugeons quelqu’un que parce que justement nous ne pouvons nous mettre à sa place.
  •  Que ne puis-je dire avec ce rabbin hassidique : « La bénédiction de ma vie, c’est que jamais je n’ai eu besoin d’une chose avant de la posséder ! »
  • En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul : un attentat contre elle-même.
  •  Le problème de la responsabilité n’aurait de sens que si on nous avait consulté avant notre naissance et que nous eussions consenti à être précisément celui que nous sommes.
  •  Le moine errant, c’est ce qu’on a fait de mieux jusqu’ici. En arriver à n’avoir plus à quoi renoncer ! Tel devrait être le rêve de tout esprit détrompé.
  •  Le scepticisme est l’ivresse de l’impasse.
  • Il faudrait se répéter chaque jour : Je suis l’un de ceux qui, par milliards, se traînent sur la surface du globe. L’un d’eux et rien de plus. Cette banalité justifie n’importe quelle conclusion n’importe quel comportement ou acte : débauche, chasteté, suicide, travail, crime, paresse ou rébellion. … D’où il suit que chacun a raison de faire ce qu’il fait.
  • L’homme accepte la mort mais non l’heure de sa mort. Mourir n’importe quand, sauf quand il faut que l’on meure !
  • Chaque génération vit dans l’absolu : elle se comporte comme si elle était parvenue au sommet, sinon à la fin, de l’histoire.
  •  N’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi.
  • Avec du sarcasme, on ne peut faire son salut, ni aider les autres à faire le leur. Avec du sarcasme, on peut seulement masquer ses blessures, sinon ses dégoûts.
  • On opte, on tranche aussi longtemps qu’on s’en tient à la surface des choses ; dès qu’on va au fond, on ne peut plus trancher ni opter, on ne peut plus que regretter la surface…
  • Dieu : une maladie dont on se croit guéri parce que plus personne n’en meurt.
  • Toute réussite, dans n’importe quel ordre, entraîne un appauvrissement intérieur. Elle nous fait oublier ce que nous sommes, elle nous prive du supplice de nos limites.
  • Le dernier pas vers l’indifférence est la destruction de l’idée même de l’indifférence.


Odo Marquard : "Am besten ist es, nicht geboren zu sein ; doch - wem passiert das schon !"


Save Water, drink wine

Marcel Conche : Vivre et philosopher
  • Qu’est-ce que bien écrire ? Pour un philosophe, je dirai que c’est avoir le respect du lecteur : c’est donner de l’attrait, de l’agrément, à un difficile chemin de pensée ; c’est ménager au lecteur non de l’ennui – ou le moins possible – mais de la joie. « Un philosophe a droit au style ». dit Michel Serres. « Droit » au style ? Je parlerais plutôt de « devoir ». Les philosophes français, de Montaigne à Main de Biran, puis à Bergson ou Alain, Camus ou Sartre, ont eu le souci du style, lors même qu’ils n’entendaient pas faire œuvre d’écrivains. C’est aussi mon souci, et il se ramène à ceci : que personne ne s’aperçoive que j’ai un style, que les mots disparaissent, se fassent oublier, ne soient plus que les révélateurs discrets, invisibles de la pensée. Car le langage n’a, bien entendu, pas de sens en lui-même – sinon il y aurait un sens à parler pour parler.

  • ·        … au milieu de la douceur et des parfums de l’été, le bonheur tout simplement naissait, comme s’il était la production spontanée de la vie, lorsque, par chance, rien ne s’oppose à ce que, pour un court laps de temps, on vive sans avoir autre chose à faire que vivre.

  • Ce qui s’oppose à mon bonheur est ma réaction de tristesse, d’affliction et de compassion à tous les drames humains. Le malheur des autres, mais surtout des opprimés et des faibles, est le mien aussi. Il n’en aurait pas été de même jadis, où l’ignorance de ce qui pouvait se passer dans le monde m’eût protégé. Si certains sont inaptes au bonheur, on en voit maintenant les raisons. On voit le secret des heureux. Qu’ils échappent au malheur et les voilà heureux. Le bonheur comme chance (eutychia) suffit à leur bonheur comme satisfaction (eudaimonia). Ou encore : ils vivent leur bonheur négatif (absence de malheur) comme un état positif. Quel est leur secret ? Simplement, ils sont tout à la vie présente, à la richesse plénière du moment : ni l’avidité, ni l’insatisfaction ne les jette en avant d’eux-mêmes vers l’avenir, ni la pensée des autres ne les transporte sans cesse ailleurs. Bref, le secret des heureux est la sagesse : la simple sagesse conseille de ne pas gâcher le présent.

  • Contempler, c’est refuser d’intervenir dans le monde ; c’est laisser libre ce qui est au monde ; c’est se perdre dans l’admiration de ce monde, riche au-delà du monde humain, de mondes innombrables.
  • Je pense au monde comme n’ayant ni cause (explicative), ni fin (telos), ni modèle, ni fond caché, et, à chaque instant, comme venant de naître. Il n’y a pas d’arrière-monde, et le monde ne recèle aucun mystère. Il est lui-même le mystère. Ce mystère est si voyant qu’il faut l’homme pour ne pas le voir. Car l’homme ne voit que l’homme.
  • On retrouve (alors) l’expérience souvent décrite de la fugacité de toute chose, de la « fuite du temps » - expression trompeuse puisque, au contraire, alors même que rien d’autre ne dure, le temps est toujours là, éternellement là.
  • Il  reste que les œuvres de l’homme mourront avec l’espèce, et il  en va de même de tout ce qu’il y a eu sous le soleil, de sorte qu’un jour tout sera comme s’il n’y avait jamais rien eu. Pourtant, il faut créer. Là est la grandeur de l’homme : non pour que ce qu’il créera ne périsse pas – il n’en est d’ailleurs pas maître -, mais pour que cela ne mérite pas de périr.


Horace (carmina) :
  • Quem fors dierum cumque dabit, lucro adpone / Jeder Tag, den das Schicksal dir schenkt, verbuche als Gewinn

Monty Phyton :
  • You come from nothing, you're going back to nothing - what have you lost ? Nothing!

Allein sein, Einsamkeit :
  • Arthur Schopenhauer : "Was die Menschen gesellig macht, ist ihre Unfähigkeit, die Einsamkeit, und in dieser sich selbst zu ertragen."
  • Jean-Paul Sartre : "Die Hölle, das sind die anderen (l'enfer, c'est les autres)."
  • Willhelm Busch : "Wer einsam ist, der hat es gut, weil keiner da, wer ihm was tut"
    • Greta Lührs : "Der Umkehrschluss ist nur, dass einem auch keiner etwas Gutes tun kann"
  •  Hermann Hesse : "Nur im Alleinsein können wir uns selber finden. Allein sein ist nicht Einsamkeit, sie ist das grösste Abenteuer."

Bertrand Rusell : "De la fumisterie intellectuelle"
  • Conseils pour se soustraire aux opinions ineptes auxquelles les hommes ont tendance :
    • Penser savoir quand on ne sait pas est une erreur fatale, à laquelles nous sommes tous enclins. Si la question peut être élucidée par l'observation, observez de vos propres yeux. Aristote aurait pu éviter l'erreur de croire que les femmes ont moins de dents que les hommes s'il s'était donné la peine de demander à Madame Aristote d'ouvrir la bouche et s'il s'était mis à compter. S'l ne l'a pas fait, c'est qu'il croyait savoir.
    • Même si, comme la plupart de vos semblables, vous avez des idées bien arrêtées, il est toujours possible de prendre conscience de vos propres préjugés. Si la moindre contradiction vous met en colère, c'est qu'inconsciemment vous vous savez incapable de justifier l'opinion que est la vôtre. ... Quand une divergence d'opinion vous irrite, méfiez-vous: vous verrez peut-être, après examen, que votre croyance va au-delà de ce que justifient les preuves.
    • Avec un peu d'imagination, vous pouvez polémiquer avec un interlocuteur qui défend un préjugé différent du vôtre. Ce dialogue fictif présente un avantage et un seul par rapport à la polémique réelle : il n'est limité ni dans le temps ni dans l'espace. ... Il m'est arrivé d'être amené à changer d'avis en conséquence de ce genre de dialogue imaginaire ou, au moins, de devenir moins dogmatique et arrogant en pesant les arguments d'un hypothétique adversaire.
    • Méfiez-vous des opinions qui flattent votre amour-propre.
  • J'admire tout particulièrement une prophétesse établie près d'un lac dans le nord de l'État de New York vers 1820. Ayant déclaré à ses nombreux disciples qu'elle avait le pouvoir de marcher sur l'eau, elle se proposa d'en faire la démonstration. Le jour dit, ses fidèles affluèrent par milliers autour du lac. Elle prit la parole et leur demande : "Croyez vous vraiment que je puisse marcher sur l'eau ?" Ses disciples acquiescèrent d'une seule voix. "Dans ce cas, annonça-t-elle, il n'est pas nécessaire que je le fasse." Sur ce, ils s'en retournèrent tous chez eux fort édifiés.

Jacques Attali : Construire un avenir en réinventant le passé

Ludwig Wittgenstein : Der Tod ist kein Ereignis des Lebens. Den Tod erlebt man nicht.

Epikur an Menoikeus :"Gewöhne dich daran zu glauben, dass der Tod keine Bedeutung für uns hat. Denn alles, was gut, und alles, was schlecht ist, ist Sache der Wahrnehmung. Der Verlust der Wahrnehmung aber ist der Tod. Daher macht die richtige Erkenntnis, dass der Tod keine Bedeutung für uns hat, die Vergänglichkeit des Lebens zu einer Quelle der Lust, indem sie uns keine unbegrenzte Zeit in Aussicht stellt, sondern das Verlangen nach Unsterblichkeit aufhebt. […] Das schauerlichste aller Übel, der Tod, hat also keine Bedeutung für uns; denn solange wir da sind, ist der Tod nicht da, wenn aber der Tod da ist, dann sind wir nicht da."

Horace : Carpe diem (quam minimum credula postero) = Cueille le jour présent (sans te soucier du lendemain)

Edgar Morin (La Voie)
  • Il y a effectivement toujours quelque distance entre l'événement et la conscience de sa signification : la connaissance est en retard sur l'immédiat.
  • La finance est devenue un bateau ivre, déconnectée des réalités productives
  • La croissance est conçue comme le moteur évident et infaillible du développement, et le développement comme le moteur évident et infaillible de la croissance. Les deux termes sont à la fois fin et moyen l'un de l'autre. Or, comme l'a dit Kenneth Boulding : "quiconque croit qu'une croissance exponentielle peut durer toujours dans un monde fini est ou fou ou un économiste.
  •  Le développement est un voyage qui comprend plus de naufragés que de passagers.
  • La liberté seule détruit l'égalité, l'égalité imposée détruit la liberté.
  • Le capitalisme ne crée pas seulement un producteur pour le consommateur, mais il crée aussi un consommateur pour le producteur.
  • L'obsession permanente du profit devient une intoxication où l'argent, de moyen, devient fin.
  • L'intoxication automobile :

 Patrick Viveret
  •     Autrefois, ce qui avait de la valeur n'avait pas de prix ; aujourd'hui, ce qui n'a pas de prix n'a pas de valeur.
Rita Levi-Montalcini :
  • Donnez de la vie à nos jours plutôt que des jours à notre vie.
Antonio Machado :
  • Toi qui chemines, il n'y a pas de chemin. Le chemin se fait en marchant.